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Radiorésistance bactérienne : le Zinc, un métal précieux !


Publié le 26 mars 2021

Après avoir caractérisé en 2014 et en 2019 le couple de protéines offrant aux bactéries Deinococcus une résistante extrême aux radiations, des chercheurs du BIAM viennent de découvrir que le signal moléculaire servant d'interrupteur à ce processus de résistance est un métal, le Zinc ! Ce mécanisme contribuerait également à la virulence de certains pathogènes. Une découverte qui ouvre de nouvelles perspectives biomédicales.

 

Les bactéries Deinococcus sont les organismes les plus radiorésistants connus au monde, capables de supporter des doses de radiation gamma mille fois supérieures aux doses fatales à l'être humain. Ces bactéries non pathogènes vivent dans tous les milieux, aussi bien dans les sols granitiques glaciaires de l'antarctique que les déserts brulants. Cette ultra résistance résulte de capacités de réparation de l'ADN hors pair puisque ces bactéries restaurent en seulement quelques heures leur génome brisé en mille morceaux par les radiations. Les Déinocoques résistent également à des stress environnementaux intenses, tels que les rayonnements ultraviolets et la dessiccation, une perte quasi-totale de l'eau des cellules.

 

Cette curiosité de la nature pourrait être utile à la médecine après décryptage de l'ensemble de ces mécanismes de résistance, comme s'appliquent à le faire les travaux de Arjan de Groot et Laurence Blanchard, respectivement chercheurs CEA et CNRS spécialisés en génétique et en biochimie, au sein de l'Institut de Biosciences et biotechnologies d'Aix Marseille (BIAM). « Nous avons caractérisé un couple de protéines jouant le rôle de chef d'orchestre de la réponse aux radiations et à la dessiccation. Il s'agit de la métallopeptidase IrrE1 et de son substrat, le répresseur DdrO2, que IrrE clive et inactive après stress induisant l'expression d'un pool de gènes de réparation de l'ADN » précisent-ils. Le chaînon manquant était le signal reçu par la peptidase après stress lui permettant d'enclencher sans délai le processus de réparation. En combinant plusieurs approches, l'équipe vient de découvrir que ce signal est en fait un métal, le zinc. Elle montre ainsi pour la première fois chez les procaryotes, un rôle de messager secondaire pour ce métal, crucial après stress.

 

Le zinc au cœur de la virulence de certains pathogènes ?

Parallèlement à la découverte de ce signal métallique, une analyse bibliographique menée par les chercheurs a permis de réunir un ensemble de résultats concordants indiquant que le zinc, messager secondaire dans la signalisation redox, ne semble pas être cantonné aux seuls Deinococcus. Il pourrait être plus universel qu'on ne le pense actuellement, notamment chez les pathogènes Listeria et Salmonella. Après contact avec leurs prédateurs naturels les macrophages, qui induisent un stress oxydant pour défendre l'organisme, une libération de zinc au cœur de ces bactéries pathogènes semble promouvoir leur virulence, via des homologues de IrrE et DdrO.

En comprenant comment fonctionne le couple de protéines régulatrices IrrE et DdrO des Deinococcus, les chercheurs ouvrent ainsi la voie à la caractérisation d'une nouvelle et grande famille de régulateurs présents chez de nombreux pathogènes de l'homme pour permettre, à termes, de cibler leur action et contrôler leur virulence.



Figure 1 © Laurence Blanchard (CNRS)


Le zinc, un métal qui signale le stress

Dans les cellules, le zinc est lié à des protéines dans lesquelles il peut avoir un rôle structural ou catalytique. Il ne se trouve donc quasiment jamais à l'état libre au sein des cellules. Après radiation ou dessiccation, au-delà de l'ADN, les protéines qui fixent notamment le zinc par des Cystéines, vont être endommagées par les espèces réactives de l'oxygène (ROS) générées par ces stress. Le zinc, sous forme de cation divalent Zn2+, est alors libéré et devient accessible à d'autres protéines, moins affines, entre autres IrrE qui devient active et enclenche sans plus tarder la cascade d'événements qui conduit à la réparation de l'ADN endommagé et à la survie des bactéries (Figure 1).

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